L'histoire de la démocratie au Danemark (3)

1814-1849 1849-1864

1864-1901

1901-1913

Claus Bjørn, La percée moderne, 1864-1901

La politique

Après 1864, la vie politique changea de caractère. D’abord et surtout, les Nationaux-libéraux perdirent leur prééminence et la Constitution commune du Danemark et du Schleswig fut remplacée, en 1866, par une nouvelle Constitution accordant au Landsting une composition qui renforçait l’influence des grands propriétaires fonciers. Peu à peu, les Nationaux-libéraux formèrent le parti de la Droite (Højre), qui rassemblait les forces conservatrices de la société, tandis que divers groupements de gauche se réunirent, en 1870, pour former la Gauche unie (Det Forenede Venstre), qui obtint la majorité au Folketing en 1872 et exigea le rétablissement de la Constitution de juin, du parlementarisme au Folketing ainsi que des réformes. La Droite maintint cependant l’égalité des droits entre les deux assemblées (le Folketing et le Landsting) et le droit qu’avait le roi d’élire librement ses ministres. Le gouvernement de Droite et la majorité de Gauche du Folketing constituaient donc deux fronts prêts à engager un conflit, ce qui devait marquer la période comprise entre 1872 et 1894.

Ce conflit venait de l’opposition des classes qui avaient détenu le pouvoir jusque-là : d’une part les fonctionnaires et les grands propriétaires fonciers, de l’autre les paysans. De 1875 à 1894, les gouvernements de Droite dirigés par le président du Conseil J.B.S. Estrup se raidirent sur leurs positions et le conflit se mua en une âpre confrontation. La première loi de finances provisoire fut promulguée en 1877 et pendant la période allant de 1885 à 1894, qualifiée de période provisoire (provisorietiden), la Droite gouverna grâce à des lois de finances provisoires, notamment pour pouvoir réaliser les fortifications de Copenhague, en 1886-1894. La Gauche tenta de faire obstruction à la politique d’Estrup en pratiquant une politique dite d’inertie (visnepolitik) qu’affaiblissaient des oppositions internes entre les modérés de Frede Bojsen et les Radicaux de Christen Berg et de Viggo Hørup. De plus, au cours des années 1880, les Radicaux se scindèrent pour former la Gauche danoise de Berg et la Gauche européenne de Hørup.

Malgré ses progrès électoraux jusqu’en 1884 et ses assauts répétés contre le gouvernement d’Estrup, la Gauche ne réussit pas à obtenir un changement de régime. A la fin des années 1880, les Gauchistes modérés engagèrent une politique de négociations avec la Droite. En 1891, une série de lois sociales furent adoptées par une majorité politique au Parlement (le Rigsdag) et en mars 1894, les modérés des deux partis adverses conclurent un accord. Estrup démissionna mais la Droite conserva le pouvoir au gouvernement jusqu’en 1901, tout en dépendant de façon croissante de la majorité de Gauche. En 1895, les adversaires de l’accord appartenant à la Gauche s’unirent pour former le Parti libéral des réformistes (Venstrereformpartiet), sous la direction de J.C. Christensen. Au printemps 1901, la Droite n’avait plus aucun choix possible pour former un ministère et en juillet, ce furent les Réformistes de Gauche qui formèrent le gouvernement.


Le mouvement ouvrier

Le mouvement ouvrier danois se développa très largement en raison de la forte croissance urbaine, de la suppression de l’ancien régime des corporations, qui eut lieu à partir de 1857, et du début de l’industrialisation. En 1871, Louis Pio prit l’initiative de fonder un mouvement ouvrier socialiste qui prit la forme d’une union syndicale de sections professionnelles, ainsi qu’un parti politique : la future Social-Démocratie. Ce mouvement rencontra une forte opposition de la part des autorités et ses chefs furent arrêtés. Une confrontation directe eut lieu entre les ouvriers et la police en mai 1872. Après une courte période florissante, ce mouvement subit une nouvelle crise à partir de 1877, particulièrement après que la police eût payé ses dirigeants pour qu’ils émigrent aux Etats-Unis. Vers 1880, le mouvement ouvrier réussit à se réorganiser et en 1884, les premiers Sociaux-démocrates furent élus au Folketing, où ils se rallièrent à la Gauche. Le mouvement professionnel qui s’organisa dans les années 1890 fit de nombreux adhérents. Après une lutte ouvrière englobant tout le pays, les partenaires sociaux conclurent la Convention de septembre, qui assurait au mouvement professionnel le droit de représenter les ouvriers et aux patrons celui de diriger et de répartir le travail. A la fin du siècle, le mouvement ouvrier progressait régulièrement et en 1901, la Social-Démocratie remporta quatorze des 114 mandats du Folketing. Sur le plan politique, les Sociaux-démocrates se rallièrent à la Gauche jusqu’en 1901, mais les tensions entre les partis grandirent à la fin des années 1890.