L'histoire de la démocratie au Danemark (1)

source: LE DANEMARK, publié en octobre 1999 par le Ministère Royal des Affaires Etrangères du Danemark en coopération avec les rédacteurs de la Grande Encyclopédie Danoise, décrit le Danemark en détail. Ce sont des experts danois qui en ont écrit les différents chapitres.

1814-1849

1849-1864

1864-1901

1901-1913

Claus Bjørn, Les assemblées provinciales et la Constitution, 1814-1849

Après la Paix de Kiel, les possessions de la monarchie danoise se trouvaient réduites au royaume de Danemark (y compris les îles Féroé, l’Islande et le Groenland) et aux duchés du Schleswig, du Holstein et du Lauenbourg. Le Danemark était devenu un petit pays obligé de conformer sa politique extérieure aux désirs des grandes puissances. Ses colonies des Indes et d’Afrique furent vendues en 1845 et 1850. Les îles Féroé et le Groenland étaient gouvernés depuis Copenhague tandis que l’Islande fit rétablir, en 1843, un Parlement consultatif qui devint législatif pour les questions islandaises en 1874.

La période qui suivit les guerres napoléoniennes fut marquée par la stagnation. La guerre avait durement frappé l’économie danoise ; le commerce et les transports maritimes connurent une forte régression et la banqueroute de l’Etat, en 1813, fut suivie par une forte inflation qui fut néanmoins combattue par la cession du monopole de l’émission des billets de banque à la Banque nationale de Copenhague, en 1818. L’agriculture fut frappée par la taxe douanière britannique sur l’entrée des céréales et à partir de 1818, par de fortes baisses des prix. Cependant, à la fin des années 1820, la situation se stabilisa et durant les années 1830, l’agriculture se remit à progresser, ce qui favorisa le commerce et l’industrie dans les villes.

Le gouvernement danois avait promis une constitution provinciale au Holstein en 1815 et les duchés, inspirés par la Révolution de juillet en France, en 1830, exigèrent la création d’une assemblée provinciale du Schleswig-Holstein. Afin de s’acquitter de sa promesse envers le Holstein et de préserver, du même coup, l’unité du royaume, le gouvernement de Frederik VI décida, en 1831, d’instaurer des assemblées consultatives provinciales dans le Holstein, le Schleswig, le Jutland et les Iles en promulguant un décret à cet effet. Le droit de vote et l’éligibilité à ces assemblées étant conditionnés par la possession de biens fonciers, ce décret instituait troix groupes d’électeurs : les grands propriétaires terriens, les propriétaires fonciers des villes et les petits propriétaires de la campagne, c’est-à-dire les grands fermiers. Malgré la censure, un débat politique public se forma peu à peu, en particulier dans les journaux. Pour la première fois, en 1835-1836, les assemblées provinciales tinrent des Etats généraux et en collaboration avec le gouvernement, elles obtinrent notamment la gestion communale autonome de Copenhague en 1837, celle des villes marchandes en 1840 et celle des communes rurales en 1841, ainsi qu’une révision de la loi douanière (en 1838). En règle générale, les assemblées voulaient contrôler les finances de l’Etat et s’assurer contre le gaspillage ; les agriculteurs exigèrent la poursuite des réformes agraires alors que les libéraux, soutenus surtout par les universitaires et les chefs d’entreprises des villes réclamaient une libéralisation économique plus rapide, une plus grande liberté de la presse et un élargissement de l’influence des assemblées provinciales.

Une mutation décisive se produisit dans la société danoise pendant les années 1840. Aussi bien les gens des villes que ceux des campagnes se mobilisèrent largement pour participer aux affaires de la société. Dans les duchés, le conflit national se durcit et pendant les années 1840, les représentants de l’opposition libérale prirent le nom de Nationaux-libéraux. Parallèlement, la croissance économique prenait sérieusement son essor. L’agriculture restait l’activité principale du Danemark, mais on voyait poindre une certaine industrialisation, notamment à Copenhague. La Grande-Bretagne devint le débouché principal de l’agriculture danoise et les échanges se développèrent favorablement pendant de longues années, pour le pays en général et l’agriculture en particulier.

En même temps, le mouvement paysan qui émergeait en Seeland et Lolland-Falster nécessitait une intervention dans les relations entre les grands propriétaires terriens et leurs métayers qui marqua la réunion de l’assemblée provinciale de Roskilde en 1844. En novembre 1845, le gouvernement se vit donc contraint de mettre un frein à l’activité politique du mouvement paysan en publiant la Circulaire des paysans. Cette circulaire contribua à rapprocher les Nationaux-libéraux et les paysans qui jusque-là avaient été fidèles au roi. L’organe du mouvement paysan : la Société des amis des paysans, vit le jour en 1846.

Lorsque Christian VIII monta sur le trône, en 1839, de grands espoirs l’attendaient ; roi de la Norvège en 1814, il avait donné à ce pays la constitution d’Eidsvoll, qui introduisait en Norvège la monarchie constitutionnelle. Devenu roi de Danemark, il refusa cependant de limiter l’absolutisme. On lui doit, malgré tout, des réformes administratives et en 1842, il nomma premier ministre A.S. Ørsted, qui était modérément libéral. Mais politiquement, il devenait de plus en plus évident que l’absolutisme ne tiendrait pas pendant la durée d’un nouveau règne. C’est ainsi qu’avant sa mort, Christian VIII avait préparé un changement de la constitution et que des élections eurent lieu le 5 octobre 1848 en vue de réunir l’Assemblée Constituante. Les négociations concernant une constitution libre furent longues, mais le 5 juin 1849, Frederik VII put signer la Constitution de juin (Junigrundloven), première Constitution du Danemark. Elle était, pour son époque, largement démocratique puisqu’elle assurait le droit des citoyens danois à la liberté ainsi qu’un régime à deux chambres (le Folketing et le Landsting) et accordait aux hommes le droit de vote ordinaire, tout en limitant leur éligibilité au Landsting. Dès cette époque-là, on décelait les principales lignes d’une division politique entre d’une part les Amis des paysans, de l’autre les Nationaux-libéraux et des forces plus modérées.