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Mostafa Ouezekhti (d'origine marocaine; Membre du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale depuis le 6 juin 1995, membre du Conseil de l'Aide Sociale de Schaerbeek depuis février 2001; élu Ecolo en juin 1995 - février 1998, transfuge vers le Parti Réformateur Libéral 1998-1999, PRL élu sur liste PRL-FDF en juin 1999, non réélu en 2004)

Mostafa Ouezekhti - communales 2000
Mostafa Ouezekhti - législatives 2003

 

 


Le Soir Nouvelles locales - Bruxelles Jeudi 8 juin 1995 page 18

Quatre conseillers issus de l'immigration ont fait leur entrée au parlement bruxellois

La vie est belge et c'est ici qu'elle se passe

Nés du côté le plus ensoleillé de la Méditerranée, ils ont choisi nos terres humides pour travailler, prendre racine et savourer la démocratie.

Leurs scores électoraux à la Région bruxelloise ont pu faire tiquer certains mandataires " autochtones ", secrétaire d'État ou échevins : quatre " nouveaux Belges " - ils se définissent avant tout comme démocrates - sont entrés sans complexe au parlement bruxellois. SfiaBouarfa (2.505 voix), Mahfoudh Romdhani (1.595 voix), Mohamed Daïf (1.311 voix) pour le PS et Mostafa Ouezekhti (1.492 voix) chez Écolo.

L'arrivée à l'assemblée de ces quatre élus atypiques au franc-parler pourrait pimenter certains débats qui avaient parfois tendance à ronronner.

(...)

Mostafa Ouezekhti est né à Tanger en 1959 :

- Je suis arrivé à 3 ans à Bruxelles. Mon père avait décroché un contrat avec une société de textile. Ils ont payé le déménagement, prévu le logement. Une délégation de la firme nous a accueillis au train et nous a conduits à l'appartement de Schaerbeek où on m'a inscrit à l'école n° 1.

Après l'école n° 1 de Schaerbeek, ce seront d'autres " communales ", à Evere et Anderlecht, avant l'école commerciale de Forest, à l'époque installée sur la fameuse place Saint-Antoine. Après un graduat en marketing et une licence en sciences économiques appliquées, Mostafa Ouezekhti devient banquier en 1981. Huit ans plus tard, il part pour le Maroc mais en revient avec le mal du pays en 1992. Banquier indépendant depuis lors, Mostafa Ouezekhti préside le club de football Atlas qui aligne une majorité de joueurs marocains de la deuxième génération. Pourquoi Écolo ?

- J'avais fait une étude de marché des programmes politiques en 91 et Écolo me permet de m'épanouir sans contrainte, répond l'homme de chiffres.

(...)

MICHELLE LAMENSCH


Le Journal du samedi - 6 décembre 2000

LES DISSIDENTS (9): Mostafa Ouezekhti, député PRL

Dans son livre "Le pouvoir d'agir" (1), le député PRL Mostafa Ouezekhti expose ses thèses pour insérer dans la société les laissés-pour-compte des quartiers défavorisés


Né à Tanger en 1959, arrivé en Belgique à l'âge d'un an, Mostafa Ouezekhti a été un précurseur. Il fut l'un des premiers parlementaires d'origine maghrébine. Élu, au milieu des années 80, sur la liste Écolo du Conseil régional bruxellois. Longtemps Mostafa Ouezekhti sera un "Vert" inclassable. Très bcbg, issu du monde bancaire après une licence en sciences économiques, pas vraiment environnementaliste. Mais en phase avec les choix écologistes. Et nullement désireux de se laisser enfermer dans les créneaux d'ordinaire concédés aux "nouveaux Belges": les débats sur l'immigration et la société multiculturelle. Compétent, actif, convivial, fan du ballon rond (il présida le FC Atlas pendant six ans), tout le monde l'adorait à Écolo. C'était le partenaire idéal, acharné des matchs de foot avec Deleuze, les potes d'Agalev et de la FGTB bruxelloise. Et puis, en 1998, sans crier gare, l'Écolo modèle tourne casaque et adhère au PRL. Sans raison apparente, car jamais il n'a manifesté de réel désaccord avec son parti. Depuis cet épisode qui provoqua stupeurs et tremblements (de rage) sur la planète verte, Mostafa Ouezkhti n'a pas perdu son temps. Il est devenu l'un des "sherpas" de Louis Michel dont il fut, dans l'opposition, le conseiller pour la politique internationale et particulièrement le monde arabe, avant de devenir, en mars 2000, vice-président du PRL. Rencontre avec un homme ambitieux, qui symbolise l'ouverture aux immigrés d'un parti qui, il y a moins de dix ans, chassait encore sans vergogne sur les terres xénophobes.

Le Journal du Samedi: Votre parcours à Écolo, est-ce une erreur de jeunesse? Avez-vous digéré cet échec?

Mostafa Ouezekhti: Ce ne fut absolument pas un échec. J'ai milité pendant douze ans à Écolo, bien avant de me présenter aux élections. Mon choix pour les Verts était mûrement réfléchi et je ne regrette rien. J'ai eu une "enfance" politique heureuse à Écolo. À l'époque, c'était le seul parti qui pouvait me permettre de travailler efficacement. Et qui répondait à mon positionnement sociétal.

Pourquoi l'avoir quitté, alors?

J'ai été contacté par les libéraux. Je ne m'y attendais pas. Au départ, leurs avances m'ont abasourdi. Ils me proposaient un challenge risqué, mais passionnant: contribuer au changement du PRL. C'est-à-dire participer à une évolution capitale sur l'échiquier politique, amorcée par Louis Michel.

Mais le PRL, parti des Nols, Gol, et Draps, ne conservait-il pas une image catastrophique parmi les Belges issus, comme vous, de l'immigration?

Si, et l'enjeu était d'autant plus important. Une telle ouverture au monde de l'immigration, bien au-delà de mon petit cas personnel, aurait été impossible à l'époque de Jean Gol. Ne parlons plus de Nols, la page était tournée. Quant à Willem Draps, il a été le premier à m'inviter après mon adhésion. Il a dérapé dans ses tracts ( ndlr: comportant des caricatures racistes ) au début des années 90, il a reconnu publiquement ses erreurs.

Il n'empêche, vous avez bien caché votre jeu durant votre période écologiste. Pour paraphraser la phrase de Jean Gol, étiez-vous vert à l'extérieur et bleu à l'intérieur? Ouezekhti était un écolo de droite?

Je n'étais pas un écolo de droite. J'étais à l'image d'Écolo qui, à l'époque, se proclamait "ni gauche, ni droite". D'ailleurs, ces clivages ne signifient plus

Tout de même, vous ne pouvez nier que même sans le revendiquer, Écolo a toujours eu le cœur plutôt à gauche?

Ce n'est pas aussi simple que cela. Je me rappelle les nombreuses interventions de Jacky Morael, expliquant qu'il existe pas mal d'affinités entre libéraux et écolos, particulièrement en Wallonie. Notamment parce que ces deux partis ne sont pas monolithiques comme le PS, mais multiconfessionnels. Tant à Écolo qu'au PRL, il y a une grande richesse interne. Tout le contraire d'une pensée unique.

Revenons à votre départ d'Écolo. Vous êtes vampé par le discours de Louis Michel. Cela suffit à vous décider?

Il y a autre chose que le discours de Michel. Il y a surtout tout ce qu'il représentait politiquement. Qui aurait pu imaginer que le PRL changerait à ce point? Avant, il était droite-droite et, même après que la page Nols ait été tournée, il gardait un œil méfiant vis-à-vis de l'immigration. Humblement, j'ai le sentiment d'avoir, grâce à mon engagement au PRL, influé sur le cheminement de ce parti. J'ai contribué à changer son image et sa pratique.

En apparence, peut-être, mais vraiment en profondeur? Ne servez-vous pas d'alibi, car tous les libéraux ne partagent pas les positions ouvertes d'un Michel ou d'un Miller?

Un bon thermomètre a été mon élection à bulletins secrets à la vice-présidence du PRL. J'ai recueilli 79,04% des suffrages.

En quittant Écolo, vous trahissiez à l'évidence vos engagements de plus d'une décennie!

Non car, je le répète, le PRL que je rejoignais n'était plus du tout celui d'il y a dix ans. Je n'ai pas quitté Écolo sur un désaccord profond. Simplement, en allant au PRL, j'ai eu le sentiment que je pourrais actionner un levier beaucoup plus important pour faire changer les choses. Le PRL, c'est une grosse machine, un outil incomparable. En termes d'efficacité, ce n'est pas identique de militer dans un parti de près de 40.000 membres ou dans un parti de 2.000 membres.

Mais désormais, Écolo est aussi devenu une grosse machine, qui participe au pouvoir. Avec le recul, pas de regret?

J'aurais pu rester confortablement installé au sein d'Écolo. Me contenter d'enfoncer les portes ouvertes. J'étais bien dans ce parti, même si chacun savait que je n'ai jamais été un écolo "environnementaliste". Je partageais les choix d'Écolo sur ce terrain, mais ce n'était pas ma priorité. Je m'intéressais davantage aux questions économiques et financières. Cela reste le point faible d'Écolo.

Dans ce domaine, vous êtes plus à l'aise au PRL, qui demeure un parti socio-économiquement assez conservateur?

Mais non, le PRL a changé sur ce plan également. Dans ce parti, même s'il reste sans doute quelques personnalités de droite, ce sont les libéraux sociaux qui donnent le ton.

En êtes-vous si sûr? Lorsque le Parlement européen discute de la taxe Tobin, le président libéral Daniel Ducarme s'empresse de s'y opposer!

Certes, les libéraux ne sont pas soudainement devenus des gauchistes. Ils veulent promouvoir l'initiative, aider les gens à se prendre en charge eux-mêmes. À prendre des risques. C'est ce qui nous distingue de ceux qui favorisent l'assistanat. Les libéraux cherchent à créer la richesse pour mieux la partager.

Mais une petite taxe sur les mouvements purement spéculatifs de capitaux, ce n'est pas du gauchisme!?

(hésite) Bon, de toute façon, sur le plan européen, aucun parti belge ne pèse réellement. Le vrai test de l'évolution du PRL se passe à l'échelon national. Et là, le PRL n'est plus à droite. D'ailleurs, tous les partis démocratiques partagent à peu près des positions économiques identiques.

Les vieux réflexes subsistent: les libéraux n'ont-ils pas plaidé pour la suppression des taux supérieurs d'imposition, une mesure qui favorise les plus riches?

Attention de ne pas pratiquer des discriminations négatives. Baissons la fiscalité au bénéfice des plus pauvres - tout le monde le souhaite - mais ne pénalisons pas les riches en bonne santé. Car, souvent, ce sont eux qui créent de l'emploi.

Vous applaudissez Louis Michel, lorsqu'il déclare que sur le plan économique, il ne se sent "pas éloigné de Di Rupo"?

Évidemment. L'un vire à gauche, l'autre vire à droite, ou en tout cas, se recentre. C'est d'ailleurs très bien ainsi. Cela leur permet de se rejoindre. La vérité est souvent au milieu, il est vain de chercher toujours la confrontation. L'État ne fonctionnerait pas si elle était la règle.

Mais Louis Michel n'est-il pas isolé? Peu avant d'être élu président, Daniel Ducarme écrivait: "il nous faut rompre avec tout ce qui fonde le socialisme"?

(large sourire) Daniel Ducarme voulait parler des pratiques socialistes, les permanences sociales, le copinage. Ce que j'appelle le chantage social: votez pour nous, sans quoi, vous n'aurez pas de CPAS, pas de boulot de concierge pour votre fiston... Le citoyen doit être libre dans ses choix. C'est ce qu'a toujours dit le PRL. Comme Écolo, d'ailleurs.

Donc, le président du PRL bruxellois, Jacques Simonet, a raison lorsqu'il déclare que le PRL est "parfois plus proche d'Écolo que du PS"?

Mais bien entendu! Sur certains dossiers, il n'y a vraiment pas photo: l'enseignement, l'éthique, la morale politique... Par contre, où cela fonctionne moins bien, c'est à propos de tout ce qui est financier et fiscal. Jacky Morael a souvent répété que ce n'était pas assez la spécificité d'Écolo, qui manque de cadres dans ce secteur.

Vous reprochez à Écolo d'être incompétents dans les dossiers techniques?

Pas assez pragmatiques, à tout le moins. Certains Verts se complaisent dans la "théorie théoricienne". Ainsi, quand Olivier Deleuze se fourvoie en proposant d'augmenter la fiscalité pour financer des mesures permettant d'enrayer les variations climatiques. Ce n'était pas très malin de vouloir appuyer sur la pédale fiscale. Il s'est fait crosser par Didier Reynders. Alors, il a fait marche arrière, en disant que les hausses fiscales qu'il propose ne pouvaient se comprendre qu'avec une diminution parallèle des charges sociales pesant sur le travail. Il s'est repris pour sauver la face, mais dans un premier temps, il n'avait pas tenu ce langage-là.

Vous qui connaissez bien la maison, comment jugez-vous l'évolution d'Écolo?

Ce parti a grandi trop vite. L'ennemi d'Écolo, c'est le parti Écolo. L'ennemi est à l'intérieur. Leurs dirigeants ont souvent plus de mal à parler avec leur base que de dialoguer avec les représentants des autres partis du gouvernement.

C'est difficile pour eux, parce que les écologistes, contrairement aux partis traditionnels, organisent des vrais débats internes, bref parce qu'ils font de la politique autrement?

(incrédule) Les données ont changé. Écolo est devenu un parti traditionnel, à plein. Ils jouent dans le débat politique avec les armes de tout le monde. Je ne critique pas, c'est tout à fait honorable. Mais qu'ils cessent de faire comme s'ils étaient encore "tout blanc". On l'a vu à Ixelles, où ils ont bien manœuvré. On le voit aussi avec la non-application de leurs règles sur la rotation des élus. Quelqu'un comme José Darras est parlementaire, et à présent ministre, depuis pratiquement vingt ans. Même remarque pour Henri Simons, parlementaire puis échevin, depuis belle lurette. Écolo joue la carte électoraliste classique. Au scrutin communal, ils ont même permis à leurs ministres de "pousser" des listes locales, tout en sachant que s'ils étaient élus, ils ne siégeraient pas!

Écolo est devenu très rapidement un vrai parti de pouvoir?

Oui, ils ont vite compris la différence entre une situation où on est au balcon à cracher sur les passants, et une autre situation où on est soi-même le passant. Ils doivent encore apprendre à faire preuve de plus de cohérence. Ainsi, sur la question de l'asile, ils ne peuvent être à la fois avec le gouvernement et avec les manifestants. En politique, on ne peut pas jouer double jeu. Il faut assumer en disant à ses troupes: voilà ce que j'ai pu obtenir, point à la ligne. Si tous les partis faisaient comme Écolo, ce ne serait plus de la cacophonie, mais un cirque.

Sur l'asile, les Écolos ne sont pas seuls à estimer que les choix du gouvernements sont erronés. Des socialistes comme Anne-Marie Lizin et Yvan Mayeur sont également fort critiques...

(se fâche) Leurs critiques sont infondées. Leurs propos, c'est de la théorie. D'ailleurs, ils tiennent deux discours. Ils sont radicaux dans les médias, et votent docilement au Parlement. Qu'ils soient cohérents. Qu'ils aient le courage de dire qu'ils veulent ouvrir les frontières. Mais ils savent que ce serait ingérable.

Vous êtes partisan d'une fermeture des frontières?

Je n'ai jamais dit cela. Mais ne confondons pas tout, l'immigration et la politique d'asile. L'immigration est officiellement arrêtée depuis 1974. Il faudrait la rouvrir. Car depuis un quart de siècle, on a laissé seulement une petite fenêtre du grenier ouverte, celle de l'asile. Alors, et c'est humain, de nombreux réfugiés économiques se sont engouffrés dans cette petite ouverture. Moi, je suis demandeur qu'on accueille à nouveau des immigrés. Nous avons besoin de sang neuf. Mais pas n'importe comment. Pas en recréant des nouveaux ghettos, en entassant des gens dans des HLM, comme on l'a fait précédemment. Contrairement à ce qui se passe aux Pays-Bas, nous n'avons jamais eu de réflexion globale à cet égard. Aux Pays-Bas, les nouveaux arrivants ont toujours été accueillis dans de meilleures conditions, reconnus culturellement, bien intégrés - je préfère parler d'insertion - accompagnés sur le plan éducatif par des "discriminations positives"... Chez nous, ce pourrait être le rôle du Sénat de réfléchir à toutes ces questions.

En attendant, la situation est-elle à ce point intenable pour refuser d'accueillir quelques milliers de candidats-réfugiés?

On a eu 5.033 demandes en septembre. Prenons le cas de Bruxelles. C'est une capitale très élitiste. Pour être engagé comme gardien de parking ou policier, il faut être bilingue, avoir des connaissances en informatique... Nous avons le taux de chômage le plus élevé. Si on ouvre davantage la porte, on accueillera évidemment beaucoup de pauvres du Tiers-monde. Les problèmes deviendront insolubles. À moins de n'accepter chez nous que des informaticiens et des chimistes. Ce qui est impensable. Humainement, je suis pour accueillir le maximum de personnes, mais transformer la lucarne actuelle en porte d'entrée, ce serait irresponsable.

Dans votre livre (1), vous déclarez à propos de l'extrême droite, "nous sommes en guerre"...

(s'emporte) Oui, nous avons été laxistes beaucoup trop longtemps. L'extrême droite est un ennemi qui se nourrit de la démocratie. Ils l'utilisent pour la tuer. Nous avons perdu vingt ans. S'il y a un seul domaine où je dois être intolérant et extrémiste, c'est bien celui-là. Je suis fier d'être injurié dans les tracts des fascistes. Cela prouve que mon combat les gêne. Le Centre pour l'Égalité des chances et la lutte contre le racisme, ainsi que la Ligue flamande des Droits de l'Homme viennent de poser un acte majeur en citant trois asbl du Vlaams Blok devant le tribunal correctionnel de Bruxelles. En vertu de la loi Moureaux contre le racisme. Je ne suis pas certain que le monde politique se rende compte à quel point cette plainte est importante pour l'avenir de la démocratie.

Comment expliquez-vous les ravages de l'extrême droite en Flandre, alors que la Wallonie et Bruxelles sont plutôt épargnées?

Le clivage est culturel. Beaucoup de Flamands sont nationalistes, ce que ne sont ni les Wallons, ni les Bruxellois. Certains Flamands - je ne veux surtout pas généraliser - sont aussi très dépendants d'une certaine Histoire liée à la collaboration pendant la guerre. Et puis, ils ont une autre conception que nous du cordon sanitaire. Pour beaucoup de démocrates flamands, il suffit de ne pas nouer d'alliance avec le Blok. Pour eux, le cordon, ce n'est que cela. Pour nous, c'est aussi autre chose: ne pas voter des lois avec les Blokkers, ne pas débattre avec eux à la TV, ne pas serrer leurs mains ou boire des bières avec eux à la buvette du Parlement. Des tas de démocrates flamands ne comprennent pas que les francophones puissent être tellement intolérants avec le Blok. Ils estiment qu'agir ainsi, c'est lui rendre service en le faisant apparaître comme un martyr.

Ils se trompent?

Les progrès électoraux du Blok prouvent que les responsables flamands font fausse route. Mais ne roulons pas les mécaniques comme francophones. Notre extrême droite est constituée de débiles mentaux. S'il y avait un Le Pen chez nous, il ferait peut-être plus de 10%. Ne nous positionnons pas comme des donneurs de leçons. Avec les démocrates flamands, nous partageons les mêmes objectifs, nous divergeons seulement sur les moyens.

Plus de 80 "nouveaux belges" ont été élus en région bruxelloise, lors des élections communales du 8 octobre. Cela vous réjouit?

Cela montre que Bruxelles est un véritable laboratoire. Une telle représentation politique, cela n'existe dans aucune région du monde. Soyons optimiste: comment peut-on dire que les Belges sont un peuple raciste? Ce n'est pas vrai.

À quand un ministre d'origine maghrébine en Belgique?

Cela arrivera. Peut-être après les prochaines élections. Au moins un secrétariat d'État. Mais ce n'est pas si simple. Il faut à la fois que l'électeur le souhaite, que les partis aient le courage de sauter le pas. Et que les compétences suivent. Car être parlementaire est une chose, exercer des responsabilités exécutives en est une autre.


(1)"Le pouvoir d'agir - entretiens et réflexions autour de la responsabilité et de l'engagement politiques" - Mostafa Ouezekhti, interrogé par Olivier Boruchowitch, rédacteur en chef de "Regards", revue juive de Belgique - éd.Luc Pire, 1999


Claude DEMELENNE