NATIONALISME, SOCIALISME ET FEDERALISME

P.Y.L. (paru dans le courrier des lecteurs de La Gauche, 19/10/1984)

Depuis le virage nationaliste pris par SPITAELS et consorts (confirmé par l'affaire HAPPART tout récemment), une question hante les consciences des militants et sympathisants du PS et de la FGTB: quels doivent être les rapports entre nationalisme et socialisme ?

Pour les plus éclairés d'entre eux, la réponse est évidente: le socialisme passe avant le nationalisme. Mais il est souvent difficile de communiquer un tel message aux autres camarades, alors que les médias véhiculent l'idée que les "Flamands veulent asphyxier la Wallonie" (cf. le traitement de l'affaire Pégard par la RTBF et d'autres médias).

Votre rôle et votre devoir est donc d'éclaircir le débat en montrant clairement les risques de ce "nationalisme-socialisme" wallon professé par SPITAELS, et en développant dans vos colonnes une argumentation solide, parant à toutes les objections (ou du moins s'y efforçant) et proposant des moyens de lutte contre les options actuelles du PS et de la FGTB wallonne.

Dans ce domaine, des militants du Socialistische Partij, regroupés dans le "Belgische Progressieve Socialisten" se sont efforcés depuis quelque temps de développer une critique du nationalisme communautaire dans le SP et le PS, en apportant une alternative à l'institutionnalisation des nationalismes flamand et wallon: le fédéralisme provincial. Il me semble que cette idée pourrait servir de base à une large discussion sur ces problèmes et que "La Gauche" devrait jouer le rôle de catalyseur dans ladite discussion.


LA SOCIETE PLURICULTURELLE: UN DEFI POUR LA SOCIOLOGIE

[P.Y.LAMBERT] paru dans Info-Etudiants, 2/2/1987

Les Belges. Les Flamands. Les Wallons. Les Bruxellois francophones. Les Germanophones.

point à la ligne ?

Et les autres ?

Quels autres ?

Ah, ceux-là ! Mais, mon bon monsieur, ça n'est pas du tout la même chose. Ceux-là, ce sont des étrangers, vous le savez bien. Beaucoup n'ont presque jamais vécu hors de Belgique ? Amaih ! Ca ne fait rien: ces races-là, elles sont pa s de chez nous. Un jour ou l'autre, ils reviendront bien chez eux, d'une façon ou d'une autre. Et ceux qui resteront, ils n'auront qu'à s'assimiler. A devenir comme nous, vous comprenez.

...

Comme nous ? Comme les Flamands. Comme les Wallons. (etc.)

...

Pourquoi un jeune, immigré de la seconde génération, choisit-il d'accepter ou de refuser cette assimilation ? Quels facteurs motivent son choix pour l'une ou l'autre des cultures "autochtones" ? En fonction de quels critères votera-t-il, s'il est naturalisé (ou si le vote des étrangers résidents devient une réalité) ? A quelle culture appartiendra la femme de sa vie ? Quelle culture transmettra-t-il à ses enfants ?

...

A qui de répondre ? A ceux qui se sentent interpellés par ces questions. A nous tous, qui vivons en Belgique, dans cette Belgique pluriculturelle de 1987.

A qui de nous donner les bases de notre réflexion ? Aux politiciens démagogues (même les "Bruxellois de l'année" ) ? Aux mandarins-sociologues (ou anthropologues) ?

...

Combien de sociologues travaillent-ils dans ce domaine actuellement ? Combien ont-ils pris la peine d'apprendre la langue d'une de ces communautés allogènes, instrument indispensable de toute recherche digne de ce nom ?

Combien d'étudiants est-on occupé à former dans cette perspective ? Quels moyens sont-ils mis en oeuvre dans ce but ?

...

Les réponses aux questions du dernier paragraphe: dans le prochain numéro. Les réponses au troisième paragraphe ? Dans les prochains mois ? Ne désespérons pas.


UNE BELGIQUE (ENCORE PLUS) PLURICULTURELLE: UN DEFI POLITIQUE

P.Y.LAMBERT (texte non publié, début 1987)

Les Belges. Les Flamands. Les Wallons. Les Bruxellois francophones. Les Germanophones.

Point à la ligne ?

Et les autres ?

Quels autres ?

Les nouveaux Belges. Les Italo-Belges, les Maroco-Belges, les Franco-Belges, les Polono-Belges, les Turco-Belges, les Hispano-Belges, etc.

Comment ces nouveaux Belges pourraient-ils se reconnaître dans des partis politiques belges, ou plutôt "belges", qui considèrent avant tout les intérêts de leur communauté ou de leur région ?

Ou, pour poser la question différemment, ces nouveaux Belges doivent-ils également devenir des nouveaux Flamands, des nouveaux Wallons, des nouveaux Bruxellois francophones, des nouveaux Germanophones ?

On le voit, le système politico-institutionnel belge ne favorise en rien l'intégration des nouveaux Belges à la société belge, mais les oblige à s'intégrer à l'une des communautés officiellement reconnues.

Pour certains, cette intégration communautaire constitue un phénomène tout à fait naturel, et sans alternative possible. Pour nous, cette alternative existe cependant indubitablement. Sur le plan institutionnel d'abord, nous nous demandons pourquoi il n'y aurait que trois communautés culturelles constitutionnellement reconnues en Belgique, alors que leur nombre réel est beaucoup plus élevé. Nous proposons donc la création de plusieurs communautés supplémentaires, sans référence territoriale régionale, pour les groupes ethniques belges d'origine étrangère.

Pour appuyer cette revendication, nous ne comptons pas sur les organisations socio-politiques belges traditionnelles: nous revendiquons le droit à nous organiser politiquement en-dehors d'elles, ce qui ne signifie pas à nos yeux contre elles ou sans leur soutien. Nous comptons d'ailleurs beaucoup sur l'aide des syndicats belges, seules organisations socio-politiques où tant les immigrés non-belges que les nouveaux Belges ont jusqu'à présent leur place aux côtés des travailleurs belges, sur un pied d'égalité. Le rôle des partis politiques des pays d'origine n'est pas non plus à négliger: certains sont déjà bien implantés parmi les immigrés de la première génération, et nous devons profiter de leur expérience.

Nos objectifs ne se limitent pas à une réforme des institutions. D'autres revendications ne peuvent être mises de côté, comme le droit de vote pour tous aux élections, ainsi que le droit à l'éligibilité. En 1987, quatre-vingts pour cent des citoyens étrangers (âgés de 18 ans ou plus) résident en Belgique depuis plus de dix-huit années. En ne leur accordant pas le droit de vote aux élections politiques (communales, provinciales et nationales), les responsables politiques belges placent ce pays parmi les moins démocratiques dans la Communauté Européenne.

Le droit pour tous à bénéficier d'une allocation de chômage après la fin des études scolaires doit également être respecté en Belgique: tous les travailleurs cotisent de la même façon à la sécurité sociale et paient leurs impôts à l'Etat belge, nous ne voyons donc pas pourquoi leurs enfants n'auraient pas tous les mêmes droits en ce domaine.

Le droit à préserver et à enrichir sa culture implique également que, une fois les nouvelles communautés culturelles mises en place, une politique culturelle active soit élaborée par les intéressés, qui ne souffre d'aucune discrimination par rapport à celles des communautés "indigènes", et qui bénéficie de tous les moyens nécessaires pour être mise en oeuvre.

Nous espérons que nos compatriotes "belges d'origine" comprendront notre attitude et nos objectifs, et nous souhaitons sincèrement travailler la main dans la main avec toutes les bonnes volontés qui ne manquerons pas de ce manifester, nous n'en doutons pas.

Les nouveaux Belges ssont une chance pour la Belgique, une chance pour l'Europe: ils montrent l'exemple à suivre pour l'intégration de nations différentes au sein d'un même ensemble politico-institutionnel, en luttant pourl'égalité de traitement des communautés culturelles et en refusant le particularisme régional égoïste.


COMMENT LUTTER POUR LE SUFFRAGE UNIVERSEL ?

Pierre-Yves [LAMBERT] (article proposé pour le journal des Etudiants FGTB, 1er trimestre 1987)

L'année prochaine, nous voterons. Pour certains d'entre nous, ce sera la première fois. Mais voterons-nous au même bureau, pour une même élection ? Cela, c'est peu probable. Bien que notre syndicat ait décidé, en décembre dernier, de "prôner l'octroi du droit de vote et d'éligibilité aux migrants pour les élections locales", ne nous faisons pas d'illusions: le projet de loi présenté par le député "vert" Jacques PREUMONT dans ce sens a peu de chances d'être adopté avant l'année prochaine s'il n'est pas soutenu massivement dans les rues.

Certains d'entre nous devront-ils alors voter pour un conseil communal, alors que d'autres ne le feront que pour un conseil consultatif sans aucun pouvoir ?

Cela, nous le refusons.

Alors, comment agir efficacement pour soutenir ce projet de loi ?

Comment lutter pour le suffrage universel dans les communes où nous vivons ?

Le seul moyen que nous ayons, c'est de nous unir, immigrés de la première ou de la deuxième génération et Belges progressistes, au sein d'un groupe de pression qui devra être suffisamment important pour forcer les parlementaires à faire respecter le suffrage universel par la loi. Ce groupe de pression devra être indépendant vis-à-vis des partis et des syndicats, afin de peser de tout son poids sur l'ensemble de l'opinion publique.

En tant que jeunes syndicalistes, notre rôle dans un tel groupe de pression sera important: nous devons informer et encadrer les jeunes "apolitiques", et nous les aiderons à organiser la lutte (non violente, bien sûr) contre le conservatisme obtus de la classe politique. Prenons d'ores et d'éjà l'initiative dans ce combat, et appelons à la formation d'un vaste rassemblement progressiste et internationaliste, diffusons-en déjà l'idée autour de nous et élaborons un plan d'actions.

"Ensemble nous serons plus forts pour construire une société plus juste et plus solidaire" (Manifeste pour l'intégration des travailleurs immigrés, FGTB, décembre 1986).


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