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Driss AJBALI

http://www.marocainsdumonde.gov.ma/actualites31-03-2004-2.asp

31/03/2004

Driss Ajbali , au cœur des régionales françaises : «Ma candidature n’était pas communautariste, mais citoyenne»

Membre du Conseil consultatif des droits de l’homme dans son pays d’origine, sociologue de formation, homme de terrain, écrivain et journaliste, Driss Ajbali est impliqué dans l’action en faveur d’une meilleure intégration des immigrés en France. Dans ce pays, où il est installé depuis de nombreuses années, le citoyen français issu de l’immigration a choisi d’investir l’arène politique. Il se présentera aux élections régionales dans la région d’Alsace où il vit. Une région “ bigarrée ”, comme il dit puisqu’elle compte la présence active du Front national, du Parti musulman de France, des partis de gauche et de droite. Son combat, dans cette expérience qu’il nous compte à travers cet entretien, a été celle de la citoyenneté, loin du communautarisme et des clichés.

Vous étiez candidat aux élections cantonales qui viennent de se dérouler en France, comment vous avez vécu cette expérience ?

Je précise que j’ai été candidat en Alsace dans un canton qui est resté la seule région de droite après la proclamation des résultats. Les autres régions sont passées à gauche. C’est un canton qui est à droite depuis 1945. C’est la région où il y a eu un accident d’ascenseur qui avait coûté la vie à un enfant marocain. C’est dans cette région aussi que François Bayrou avait donné une gifle à un enfant. Un incident qui avait pris une ampleur nationale. J’ai été très heureux d’être le premier, je crois, de l’histoire des cantonales française, candidat issu de l’immigration à accéder au deuxième tour.

Tout le monde s’accorde à dire que les partis politiques français n’étaient pas ouverts sur les candidatures issues de l’immigration, pensez-vous que les choses ont changé aujourd’hui ?

D’abord le Parti socialiste ne m’a pas donné cette investiture. Je considère plutôt l’avoir arrachée comme un militant socialiste reconnu et respecté par mes amis.

Il est évident, par ailleurs, que jusqu’ici les partis politiques français ne faisaient pas cette démarche. Je pense vraiment qu’ils ont un train de retard par rapport à l’opinion publique. La preuve en est que j’ai accédé au deuxième tour avec 1500 voix sur 6000 votants et avec le candidat sortant j’ai fait 3000 voix alors qu’il en a fait 4000.

Les 3000 voix qui se sont portés sur moi ne sont pas toutes de Maghrébins, mais représentent aussi des Alsaciens de souche. Il y a certes un capital de sympathie pour le Parti socialiste, mais aussi de concorde et de fraternité que ma candidature a suscitées d’une certaine manière. En un mot, je pense que l’opinion est plus avancée en matière d’intégration que les partis politiques.

En parlant d’intégration, il y a eu des aveux récents de certains responsables français de l’échec de leur politique d’intégration. Vous qui êtes un homme de terrain, de part votre fonction de sociologue, avez-vous le sentiment que les choses vont changer aujourd’hui ?

Qu’on soit très clairs, s’il y a quelqu’un qui a travaillé sur l’immigration dans ce pays, sur les vingt dernières années, c’est bien la gauche. Mais, il n’en reste pas mois qu’elle n’est pas allée jusqu’au bout de sa logique. Incontestablement après le 21 avril, la gauche est sommée de le faire. Je suis convaincue que cela est possible, à condition bien entendu qu’au sein de la gauche il y ait des militants issus de l’immigration qui, sans tomber dans le communautarisme et dans le «talibanisme intégrationniste» qui pourraient amener la gauche à se réconcilier avec les classes populaires.

Il se trouve que dans les classes populaires il y a beaucoup de gens qui sont issus de l’immigration. Dès lors, qu’il s’agissait de donner des places à ces gens sur les listes électorales à Paris ou ailleurs, les partis politiques n’ont pas a été capables de le faire.

La droite à certes nommé deux ministres d’origine immigrée au gouvernement Raffarin, mais ce que je veux souligner, c’est que la vraie intégration ne passe pas par la cooptation, elle passe par le suffrage universel.

Vous l’avez fait dans votre canton. Vous dites que c’est un effort personnel, mais il a fallu certainement un contexte favorable ?

Ma candidature a été faite à un moment où il y a une lame de fond qui traverse la société française après l’espagnole. Je pense que le mouvement de balancier qui était favorable à la droite a été stoppé aujourd’hui. Cela a commencé par l’Espagne et suivi par la France, mais je suis convaincu que demain ce sera le tour de l’Italie. J’ai bénéficié, incontestablement de cette lame de fond, mais en même temps je ne peux pas prétendre que c’est une action individuelle. Je l’ai fait à l’intérieur d’un parti parce que je ne conçois le combat politique que comme un combat collectif. Mes messages sont les suivants : le premier est adressé à la classe politique qui est sommée de ressembler à la société qu’elle entend représenter. Cette société est aujourd’hui plurielle. Elle est plus bigarrée, elle est avec ses migrants, ses musulmans…Le deuxième est que les partis politiques arrêtent d’éviter à donner de l’investiture sur leurs listes électorales à des gens qui sont issus de l’immigration. On le démontre particulièrement en Alsace qui est une région défigurée par le score du Front national et où nous avons un groupe d’extrême droite qui s’appelle «Alsace d’abord» et qui a la spécificité de compter «le Parti musulman de France». Malgré tout, une candidature de quelqu’un qui est issu de l’immigration peut provoquer de l’appétit chez les lecteurs.

Le troisième message s’adresse aux immigrés eux-mêmes. Je crois que lorsqu’on vit dans une société comme la française qui est hyper politisée, il est important que les gens passent de l’intégration à la citoyenneté. C’est ce que j’ai voulu démontrer par ma candidature. Le discours politique, sur les vingt dernières années écoulées, était clivé par la question de l’intégration. Je pense que cela va continuer au moins pour les vingt années à venir.

Personnellement, je préfère au mot intégration celui de la citoyenneté.

C’est comme cela qu’on se sent appartenir à une société et que l’on participe au vivre ensemble. Un citoyen bien intégré est bon pour la société où il vit, mais il devient aussi bon pour sa société d’origine.

Comment doit réagir un citoyen français issu de l’immigration face aux problèmes spécifiques de sa communauté d’origine puisque leur assimilation dans la société française n’est pas acquise dans la mentalité et le réflexe des gouvernants ?

Je le précise encore, ma candidature n’a pas été une candidature communautariste et je suis contre ce raisonnement. Ma candidature est une candidature de progrès et de modernisme. Elle s’est faite sur les listes d’un parti auquel je suis resté fidèle malgré les phases difficiles par lesquelles il est passé. Il faut cesser de faire de la danse de ventre au vainqueur et de montrer qu’on est toujours avec le gagnant et le plus fort. Moi je gagne et je perd avec mon parti.

Est-ce que vous pensez que le vote des communautés d’origine étrangère, qui n’étaient pas forcément d’accord avec certaines décisions de l’exécutif français, notamment sur le voile ou encore sur le durcissement des mesures sécuritaires a pu influencer les résultats de ces régionales ?

Cela a dû jouer, mais ce n’est pas décisif. Les thèmes sur lesquels ce gouvernement a été battu en brèche concernent plutôt l’emploi, le démantèlement des acquis sociaux. Il a eu une sanction à mon avis aussi et surtout sur une méthode de gouverner.

Une méthode un peu autoritaire et à coup de communication.

L’opinion des gens qui sont issus de l’immigration s’intègre parfaitement, à mon avis, à celle de l’opinion moyenne et globale. Ils ont des problèmes spécifiques certes, mais je peux vous dire par exemple que j’ai rencontré des femmes musulmanes qui sont contre la loi et qui ont appelé à voter PS qui y était favorable.

Le Parti socialiste est aujourd’hui en mesure de comprendre, après la gifle qu’il a eue le 21 avril, qu’il n’a pas à désespérer un certain nombre de gens qui sont ses alliés naturels et parmi lesquels se trouvent beaucoup de gens issus de l’immigration. D’un autre côté, il y a un autre problème qui est celui du désintéressement manifesté par les électeurs aux consultations.

Lorsque vous entrez dans un immeuble composé de 75 appartements et que vous avez à peine 11 inscrits sur les listes électorales, vous mesurez qu’il est nécessaire de passer à un autre stade qui est celui de donner le droit de vote aux immigrés.

Propos recueillis par Khadija Ridouane

http://fr.allafrica.com/stories/200404010859.html

Libération (Casablanca) / BILLET / 1 Avril 2004 / Publié sur le web le 1 Avril 2004

Pourquoi j'ai été candidat: Driss Ajbali s'explique

Les je dis d'ailleurs : Le sens d'une candidature

By Driss Ajbali

La question de l'immigration structure et clive le débat français depuis vingt ans. L'émergence du Front National en 1983, ses scores électoraux jamais démentis, son enracinement dans le paysage hexagonal, ses diatribes empoisonnées plaidant la préférence nationale n'ont pas seulement encrassé le débat politique des deux dernières décennies, ils ont contribué, par un effet collatéral, à mieux enraciner cette même immigration qu'il ne cessa de dénoncer. En effet, après une gestion préfectorale du séjour, la France va, avec la carte de résidence, stabiliser et enraciner une immigration légale avec une gestion sociale qui peut se résumer par ce mot, tellement honni aujourd'hui, qu'est l'intégration. Avec l'effondrement du mythe du retour, la question qui se posait, à l'immigré moyen, n'était plus tant de s'intégrer que d'accéder, lui et ses enfants, à la citoyenneté, corollaire de la nationalité. Deux éléments discriminent la résidence et la nationalité : l'accès à la fonction publique et la participation aux élections.

Vingt ans avec la famille Le Pen qui se présente comme le père fouettard de la politique. Qui, en deux décennies (à l'occasion des 25 scrutins tous confondus dont trois présidentielles et un référendum) n'a eu de cesse de vociférer, de haranguer et surtout d'inoculer la violence dans le corps social. Elle va atteindre le 21 avril 2002 un objectif inespéré : Accéder, lors de la mère des batailles du système politique français, au second tour d'une présidentielle. Il le fait au détriment de la gauche.

Cette commotion démocratique, largement commentée depuis, va mobiliser la rue et les consciences. Tous ceux qui n'ont pas voté correctement avec leurs mains vont s'empresser de voter ( entre les deux tours) avec leurs pieds. L'actuel président de la République en sera élu avec un score africain.

Ce moment, les historiens auront à le confirmer ou l'infirmer, est un tournant décisif. Il peut se présenter comme la fin d'un cycle et le début d'un autre. En effet, l'élément essentiel à retenir, est que, pour la première fois, ce n'est plus la question de l'immigration qui est au centre du débat politique, mais la question de l'exigence et de l'irréversibilité de l'intégration.

En se réconciliant avec cette réalité, la droite républicaine clôt ainsi une des périodes des plus dures pour l'immigration en particulier maghrébine.

Le Président de la République l'a très bien compris. Il s'empressa de le démontrer par un geste fort en cooptant deux ministricules puisés dans les deux facettes de l'immigration algérienne : l'indigestion historique du passé colonial incarnée par Hamlaoui Mekachera, les flux migratoires personnifiés par Sofia Tokia.

Le ministre de l'Intérieur ne l'a pas moins compris en mettant, au coeur de ses priorités, l'organisation de la représentation du culte musulman. Quitte à ce que la hâte prenne le pas sur l'efficacité et le sérieux.

Cela n'a pas échappé non plus aux deux grands Partis politiques UMP et PS qui sont rentrés dans une surenchère, frisant parfois la démagogie, en cooptant et en bigarrant leurs instances. Avec les Malik Boutih pour les uns. Avec les Rachid Kaci pour les autres.

Si la cooptation est de nature à répondre aux angoisses des politiques, quand elle ne satisfait leurs besoins de communication, aller devant le suffrage universel permet de vérifier où se situe le curseur, non pas de l'intégration des immigrés, mais du degré de maturité, d'adhésion et d'acceptation des Français eux-mêmes. Or, il n'y a que deux scrutins et deux seulement qui puissent permettre cette démonstration : les législatives et les cantonales.

C'est conscient de toutes ces données du problème que je me suis présenté aux cantonales à Strasbourg. Conscient aussi, que cette candidature se situe dans une Alsace travaillée par sa problématique identitaire, défigurée, depuis vingt ans, par des scores frontistes vertigineux, amochée par la présence d'un mouvement régionaliste et raciste qui prône la primauté des Alsaciens et enfin caractérisée, depuis peu, par la présence exclusive du parti musulman de France, groupuscule radical et haineux. Conscient également que je me jette dans la bataille dans un canton très marqué à droite, où le sénateur Daniel Hoeffel a généralement été élu dès le premier tour.

Ce canton, celui des ascenseurs qui tuent les enfants, celui de la gifle de Bayrou recèle, de manière microscopique, tous les ingrédients de la crise de notre société. Lieu d'emploi et d'entreprise mais aussi lieu de chômage, lieu d'opulence mais aussi espace de désespérance, il illustre à sa manière les termes de la fracture sociale. Il est aussi le lieu d'une forte demande d'autorité parce que la violence urbaine y est prégnante.

C'est, sous réserve de vérification pointue, la première fois dans l'histoire de France qu'un candidat issu de l'immigration maghrébine accède au second tour d'une élection cantonale. Que cela se produise en Alsace, cette Alsace qui s'est, encore une fois, singularisée, au-delà de tout entendement le 28 mars, reste un démenti de l'image monolithique qu'elle donne à voir. L'Alsace reste et demeure aussi la terre de l'humanisme rhénan.

Au-delà de tout commentaire politicien, trois enseignements sont à tirer de cette expérience :

L'opinion et la société civile sont plus avancées que la classe politique. En effet, iy a dans l'opinion française une charge de concorde et de fraternité qui ne demande qu'à s'épanouir. Il faut que la classe politique la cultive car une société comme la nôtre ne saurait construire son avenir dans le face-à-face permanent, mais bel et bien dans le côte à côte qui nous permet d'envisager et de regarder l'horizon en commun.

Un enseignement pour les partis politiques. Ils sont le plus souvent fébriles en matière d'investiture. Au parti socialiste, ce sont mes camarades qui m'ont investi par un vote. Ce vote ne relevait pas d'une quelconque puérile discrimination positive ou négative. Il participait du choix d'un camarade fidèle à ses convictions et à son bord politique durant les victoires comme lors des défaites. Beaucoup de militants de l'intégration ont rejoint les rangs de l'UMP au lendemain de l'élection présidentielle. Nombre d'entre eux ont fait une danse du ventre indigne de leur passé militant. Beaucoup parmi eux ont raillé la gauche et ont craché sur le PS auprès de qui ils ont puisé leur expérience. Si leur comportement est frappé du sceau de l'opportunisme, il n'en est pas moins le révélateur d'une profonde déception dont le parti socialiste doit faire l'inventaire.

Un enseignement pour l'immigration elle-même et en particulier pour la jeunesse française et musulmane. La France et l'Europe sont une chance pour eux. Elles demeurent un rêve inaccessible pour des millions de gens dans le monde. L'intégration, le plus haut stade de l'intégration, c'est la citoyenneté. La démocratie française est belle de ses valeurs et de ses fondements. La République française, même quand ses principes sont estropiés par les uns et les autres, demeure la garantie du vivre ensemble. Il faut en permanence y participer, la tonifier, la renouveler,.

Copyright © 2004 Libération.


http://www.minorites.org/article.php?IDA=1155

Un seul candidat issu de l'immigration maghrébine a accédé au 2e tour des cantonales.

L'intégration par les cantons

Libération mardi 06 avril 2004

par Driss Ajbali, sociologue

Driss Ajbali est l'auteur de Violence et immigration (Desmaret) et de Ben Laden n'est pas dans l'ascenseur avec Daniel Riot (Desmaret).

Au lendemain de la présidentielle qui s'est déroulée dans des conditions inédites, le président Jacques Chirac, sentant intuitivement la circonstance favorable et la nécessité impérieuse de faire un geste, procéda par un acte insolite. Il nomma deux ministricules en cooptant deux personnalités puisées dans les deux facettes de l'immigration algérienne : l'indigestion historique du passé colonial incarnée par Hamlaoui Mekachera, les flux migratoires personnifiés par Saïfi Tokia.

Si la cooptation est de nature à répondre aux besoins de communication des politiques, le frottement au suffrage universel seul donne une légitimité. Cela permet, par ailleurs, non pas de vérifier où se situe le curseur de l'intégration des immigrés, mais le degré de maturité, d'adhésion et d'acceptation des Français de souche eux-mêmes. Or, il n'y a que deux scrutins et deux seulement qui puissent permettre cette démonstration : les législatives et encore plus, les cantonales, scrutins uninominaux à deux tours.

Ma candidature aux cantonales à Strasbourg s'est inscrite dans ce défi. La gageure est d'autant plus démesurée qu'elle s'exprimait dans cette Alsace tellement travaillée par sa problématique identitaire. Tellement défigurée, depuis vingt ans, par des scores frontistes vertigineux. Tellement amochée par la présence d'un mouvement régionaliste et raciste qui prône la primauté des Alsaciens. Sans compter que cette Alsace a la sinistre caractéristique d'héberger, depuis peu, le seul parti musulman de France, groupuscule radical et haineux, qui eut son heure de gloire à l'occasion de la manifestation du 17 janvier dernier.

Le choix du canton lui-même, marqué à droite, ajoutait au défi : le sénateur Daniel Hoeffel (UC) y a généralement été élu dès le premier tour !

Ce canton avait été projeté sur la scène nationale à l'occasion de la chute d'un enfant dans une cage d'ascenseur. Il sera aussi le théâtre de la fameuse gifle du candidat François Bayrou. Il recèle, il est vrai et de manière microscopique, tous les ingrédients de la crise de notre société : Lieu d'emploi et d'entreprise mais aussi lieu de chômage, lieu d'opulence mais aussi espace de désespérance. Il illustre concrètement les termes de la fracture sociale. Il est enfin le lieu d'une forte demande d'autorité parce que la violence urbaine y est prégnante.

Cependant, pour la première fois dans l'histoire de France, un candidat issu de l'immigration maghrébine accédait au second tour d'une élection cantonale (23 % contre 38 % pour le candidat UDF-UMP). Que cela se produise en Alsace apporte un démenti de l'image qu'elle donne à voir. Elle reste, cette Alsace, aussi la terre d'un humanisme rhénan profond.

Au-delà de tout commentaire politicien, trois enseignements peuvent être tirés de cette expérience. D'abord, l'opinion et la société civile française sont plus avancées que notre classe politique. Il y a dans l'opinion une charge de concorde et de fraternité qui ne demande qu'à éclore. C'est à la classe politique de la cultiver, de l'épanouir. C'est une urgence. Une société comme la nôtre ne saurait construire son avenir dans le face-à-face permanent, mais bel et bien dans le côte à côte qui nous permet d'envisager et de regarder l'horizon en commun. Ensuite, il y a là une pédagogie utile pour les partis politiques. Ils sont généralement fébriles en matière d'investiture. Au Parti socialiste, ce sont mes camarades qui m'ont investi par un vote. Ce vote ne relevait pas d'une quelconque puérile discrimination positive ou négative. Il participait du choix d'un des leurs, fidèle à ses convictions et à son bord politique, dans les victoires comme lors des défaites.

Un enseignement, enfin, pour l'immigration elle-même et pour la jeunesse française et musulmane. La France et l'Europe sont une chance pour notre destin commun. Elles demeurent un rêve inaccessible pour des millions de gens dans le monde. La démocratie française est forte de ses valeurs et de ses fondements. La République française, même quand ses principes sont estropiés par les uns et les autres, demeure la garantie du vivre ensemble. Il faut en permanence y participer, la tonifier, la renouveler. L'intégration, le plus haut stade de l'intégration, c'est la citoyenneté.

Au moment où Madrid pleurait ses morts fauchés par la haine aveugle. Au moment où Strasbourg était à feu et à sang, suite à la mort d'un jeune Franco-Marocain, Hassan Jabiri, mon origine marocaine aurait pu être un handicap insurmontable. Les électrices et électeurs, plus matures qu'on ne le croit, ont porté leurs suffrages sur le candidat du Parti socialiste, gommant ainsi tout stigmate social ou culturel.

C'est sous cet angle que mon score du second tour (41,7 %), dans ce canton-là, devient dès lors un exemple et un sens.