Pierre-Yves Lambert, La participation politique des allochtones en Belgique - Historique et situation bruxelloise, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant (coll. Sybidi Papers), juin 1999,  122p., ISBN 2-87209-555-1
avertissement: cette version en ligne ne correspond pas exactement à l'ouvrage publié en 1999, qui reste disponible chez l'éditeur Academia-Bruylant, de même que d'autres dans l'excellente collection Sybidi Papers, elle ne peut donc être utilisée pour les citations 

Sommaire -  Introduction -Chapitre I - Chapitre II - Chapitre III - Chapitre IV - Chapitre V -  Conclusions - Sources

IV. 3. Les groupes ethniques issus de l’immigration et la structure fédérale belge: de nouvelles communautés en perspective ?

 Certains politologues se sont interrogés sur l’éventuelle insertion des groupes ethniques issus de l’immigration dans le système de communautés fédérales belges, aux côtés des néerlandophones, des francophones et des germanophones, ces derniers étant d’ailleurs moins nombreux que plusieurs groupes comme les Italiens, les Marocains, les Turcs ou les Espagnols. D’autres auteurs, à la suite du politologue néerlandais Arend Lijphardt, se sont même interrogés sur la constitution d’un nouveau " pilier " musulman (voir e.a. Blaise et Martens 1992), sur le modèle des "piliers" socialiste et social-chrétien qui regroupent chacun un parti, un syndicat, une mutualité et diverses institutions (banques, hôpitaux, maisons de retraite).

 

Existe-t-il un communauté italienne en Belgique ?

"Trois communautés existent en Belgique: une de langue française, une de langue néerlandaise, l'autre de langue allemande. Il devrait y avoir une quatrième communauté, celle des Italiens, qui constituent la principale composante "étrangère", bien plus nombreuse que les Belges germanophones des Cantons de l'Est. Mais cette quatrième communauté existe seulement sur le plan virtuel, en raison d'un excès d'individualisme, de fragmentation du tissu associatif, parce que les Italiens n'ont pas conscience d'appartenir à une communauté et ont de plus en plus tendance à imiter les Belges. Et avec le temps ils perdent aussi le lien de la langue étant donné que dans les dernières générations on parle de moins en moins italien. Signe révélateur de cette situation, la présence quasi inexistante des Italiens dans la sphère politique (à part le cas Di Rupo), au contraire d'autres communautés établies plus récemment dans ce pays qui prennent à cœur, certainement plus que les Italiens, de se rendre "visibles" et d'occuper un espace politique de plus en plus étendu. (...)" (Rossini 1998)

Dans un cas comme dans l’autre, de telles perspectives sont de temps en temps évoquées par des militants associatifs ou religieux (surtout dans les cercles islamistes). Elles se heurteront vraisemblablement à des obstacles inhérents aux groupes ethniques eux-même, qui ne sont généralement pas suffisamment structurés en tant que tels, mise à part peut-être la communauté hellénique, en raison d’une tradition diasporique multiséculaire. Interrogée sur une telle éventualité en région bruxelloise, où ne cohabitent officiellement que deux communautés autochtones mais où les allochtones représentent entre 30 et 40% de la population, la ministre aux affaires bruxelloises du gouvernement flamand a clairement déclaré fin 1998 qu’elle n’était pas envisageable.

 

(les deux textes qui suivent figurent dans l'ouvrage de 1999 en encadrés)

Participation politique des immigrés et extrême-droite au Canada

"Chez les Canadiens d'origine ni britannique ni française, la participation à la vie politique s'est considérablement intensifiée après la levée, en 1923, des restrictions relatives à la naturalisation. D'autre part, cette mesure accrut ailleurs la crainte de cette participation et entraîna un regain d'activité de l'Ordre d'Orange et une brève apparition du Ku Klux Klan, notamment en Saskatchewan. Ces groupes, chez qui s'associaient la méfiance envers les nouveaux arrivants et la crainte, plus ancienne, des Canadiens français catholiques, s'appuyèrent sur les Canadiens d'origine britannique et sur ceux qui, comme les Scandinaves, s'identifiaient à eux.

Cette agitation ainsi que sa cause - une animosité générale à l'endroit des personnes qui n'étaient pas d'origine britannique - s'apaisèrent avec la venue, vers les années 20, d'immigrants de types nouveaux, avec la crise économique, la montée des fils d'immigrants, plus instruits et connaissant l'anglais, ainsi qu'avec la baisse de l'immigration au cours des années 30." (Commission Royale 1969: 77)

 

La droite, l’extrême-droite et les " Belges de papier "

A plusieurs reprises après les élections de 1994, dans des tracts ou pendant des réunions de conseils communaux, des élus de droite ou d’extrême-droite ont insulté leurs collègues d'origine maghrébine. Ce genre d'attitudes était prévisible parmi des élus Front National à Bruxelles (une élue FN: "Hélas! Il y a dans cette auguste assemblée trois nouveaux compatriotes qui ne nous ressemblent pas...", Le Soir 10/1/95) ou Vlaams Blok à Anvers. Toutefois, les propos du PSC Michel Demaret au Conseil régional bruxellois vis-à-vis de son collègue Ouezekhti ("Tais-toi, je suis Belge avant toi..", Le Soir 28/11/97) suscitèrent la réprobation de certains responsables de ce parti (dont la vice-présidente Joëlle Milquet) alors que son chef de groupe, Dominique Harmel, déclarait qu'"être à l'affût de la moindre formule sortie de son contexte confine au mépris à l'égard de personnes simples" (Le Soir 29/11/97). Début 1999, Michel Demaret a quitté le PSC et annoncé la présentation de sa propre liste aux régionales de juin.

Le Vlaams Blok prévoit par ailleurs explicitement dans son programme de réexaminer les acquisitions de nationalité belge s'il venait au pouvoir, qualifiant ces Belges d'origine étrangère de "Belges de papier". Il faut noter qu'en 1994-1995, le PRL menait activement campagne contre le "bradage" de la nationalité belge et désigna après les élections un des ténors de cette croisade, auteur d'un tract raciste, comme membre de la.... commission des naturalisations à la Chambre, au sein de laquelle siège également un député du Blok.

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